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Retour à la listeAntibiorésistance Alerte OMS
Enjeux, Causes et Solutions pour Préserver l’Efficacité des Antibiotiques
L’antibiorésistance constitue un problème de santé publique majeur qui touche à la fois les systèmes de santé humain et animal. Ce phénomène désigne la capacité des bactéries à développer une résistance aux antibiotiques, les rendant inefficaces. Au cœur de cette résistance, les mécanismes biologiques des bactéries évoluent sous la pression de l’usage répété et souvent excessif des antibiotiques, mettant en péril l’efficacité de ces traitements. Aujourd'hui, l'antibiorésistance est l'une des plus grandes menaces pour la santé mondiale selon l'OMS, avec des impacts forts sur le plan médical, économique et social d’ici 2050.
L’antibiorésistance : mécanismes et propagation
Le développement de la résistance aux antibiotiques est un processus complexe, qui survient lorsque les bactéries évoluent pour résister à l’effet des antibiotiques. Cela peut se produire de plusieurs façons, notamment par mutation génétique ou par acquisition de gènes de résistance d’autres bactéries. Ainsi, une bactérie qui survit à une exposition à un antibiotique peut non seulement transmettre cette résistance à sa descendance, mais aussi la partager avec d’autres espèces bactériennes.
Cette résistance peut apparaître dans divers contextes, à la fois chez l’homme, chez l’animal (animaux de compagnie ou de production), et dans l’environnement. Les bactéries dites commensales, normalement inoffensives et présentes sur notre corps ou dans l’environnement, peuvent acquérir des résistances, puis les transmettre à des bactéries pathogènes, responsables d’infections graves. Ce phénomène est exacerbé par la forte utilisation d’antibiotiques en médecine humaine, vétérinaire, mais aussi en agriculture et aquaculture.
Le recours excessif aux antibiotiques, y compris dans des cas où ils ne sont pas nécessaires, comme pour des infections virales, amplifie le phénomène de résistance. En milieu hospitalier, l’utilisation massive et répétée d’antibiotiques, notamment les plus puissants, fait émerger des bactéries multirésistantes (BMR) et des bactéries hautement résistantes (BHRe), contre lesquelles peu de traitements restent efficaces.
Conséquences médicales de l’antibiorésistance
L’un des principaux dangers de l’antibiorésistance est l’échec thérapeutique, où les antibiotiques de première ligne ne parviennent plus à soigner les infections. Dans ces situations, il faut recourir à des antibiotiques dits de « dernière ligne », souvent plus toxiques, plus coûteux et disponibles en quantité limitée. Lorsque même ces derniers échouent, on se retrouve en situation « d’impasse thérapeutique », où aucune option efficace ne subsiste pour traiter les infections graves.
Certaines infections, auparavant considérées comme mineures, peuvent redevenir mortelles en raison de cette résistance accrue. Des interventions médicales complexes, telles que les greffes d’organes, les chimiothérapies, ou même les chirurgies simples, sont particulièrement à risque, car elles nécessitent des antibiotiques pour prévenir les infections post-opératoires. Si l’antibiorésistance continue de progresser, la médecine moderne pourrait régresser, rendant ces procédures trop dangereuses à réaliser.
Chiffres clés de l’antibiorésistance
Les conséquences de l’antibiorésistance sont déjà visibles à l’échelle mondiale. En France, selon une enquête menée par Santé publique France, environ 130 000 infections causées par des bactéries résistantes ont été enregistrées en 2021, avec plus de 5 500 décès associés. À l’échelle européenne, près de 35 000 personnes meurent chaque année des suites d’infections résistantes aux antibiotiques. Les projections de l’OCDE prévoient que, sans mesures drastiques, environ 2,4 millions de personnes pourraient mourir en Europe, en Amérique du Nord et en Australie d’ici 2050 à cause de ces infections résistantes.
D’ici 2050, l’OMS estime qu’il y aura plus de décès lié aux antibiorésistances qu’aux cancers. Les améliorations thérapeutiques liées aux traitement du cancer, améliorent considérablement la qualité et la quantité de vie.
Causes de l’antibiorésistance
La principale cause de l’augmentation des résistances bactériennes réside dans l’usage excessif et souvent inapproprié des antibiotiques. En médecine humaine, la prescription d’antibiotiques pour des infections virales, contre lesquelles ils sont inefficaces, contribue largement au problème. Parallèlement, dans l’élevage industriel, les antibiotiques sont souvent utilisés pour favoriser la croissance des animaux ou prévenir les maladies dans des conditions d’élevage intensif, ce qui contribue également à l’apparition de résistances.
L’utilisation d’antibiotiques à large spectre, qui attaquent une grande variété de bactéries, est également problématique, car elle élimine non seulement les bactéries pathogènes, mais aussi les bactéries bénéfiques. Cela favorise l’émergence de souches résistantes et perturbe l’équilibre naturel des microbiotes humains et environnementaux.
Conséquences économiques de l’antibiorésistance
L’impact économique de l’antibiorésistance est tout aussi alarmant. Outre le coût humain des décès et des infections prolongées, les soins des patients infectés par des bactéries résistantes nécessitent des ressources supplémentaires considérables. En Europe, le coût des soins liés à ces infections s’élève à plus de 1,5 milliard d’euros par an. Aux États-Unis, il dépasse 55 milliards de dollars. À l’échelle mondiale, si des mesures correctives ne sont pas prises, le coût pourrait atteindre les 100 000 milliards de dollars d’ici 2050.
En France, la surconsommation d’antibiotiques engendre chaque année des dépenses supplémentaires comprises entre 70 et 440 millions d’euros, comparé à d’autres pays européens. Ce coût s’explique par la nécessité de recourir à des traitements plus complexes et plus coûteux, ainsi qu’à des hospitalisations prolongées dues à l’échec des traitements initiaux.
Mesures de prévention et perspectives
Face à la gravité de la situation, il devient urgent de renforcer les mesures de prévention pour lutter contre l’antibiorésistance met en garde l’OMS. Cela commence par une meilleure gestion des prescriptions antibiotiques, tant en médecine humaine qu’en médecine vétérinaire. Les soignants doivent être particulièrement vigilants dans la prescription d’antibiotiques, en privilégiant ceux à spectre étroit et en s’assurant que les traitements sont bien adaptés à l’infection diagnostiquée. Il est également crucial de limiter la durée des traitements antibiotiques pour éviter une exposition prolongée aux médicaments, qui favorise l’émergence de résistances.
Des alternatives aux antibiotiques sont également à l’étude. L’utilisation de phages, des virus capables de cibler et de détruire des bactéries spécifiques, est en pleine réévaluation, notamment pour des infections chroniques comme les infections ostéoarticulaires. De nouvelles molécules non antibiotiques, comme des peptides antimicrobiens, et des possibles futurs vaccins contre des pathogènes résistants sont en cours de développement.
Enfin, il est impératif d’adopter une approche globale qui intègre la santé humaine, animale et environnementale, pour lutter efficacement contre l’antibiorésistance. Les pratiques agricoles doivent évoluer pour réduire la dépendance aux antibiotiques, tandis que la recherche doit se concentrer sur le développement de nouveaux outils diagnostics et thérapeutiques.

source Organisation Mondiale de la Santé 23.11.23
Pour conclure, l’antibiorésistance est une menace croissante qui nécessite des actions urgentes et coordonnées à l’échelle mondiale. La prévention, basée sur un usage raisonné et approprié des antibiotiques, est essentielle pour freiner cette crise. En tant que soignants, les infirmiers jouent un rôle clé dans cette lutte en surveillant de près les prescriptions, en éduquant les patients sur les dangers de la surconsommation d’antibiotiques, et en participant activement à la prévention des infections associés aux soins. La bataille contre l’antibiorésistance ne peut être gagnée qu’avec une mobilisation collective de tous les acteurs de santé.
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